Antoine : la navigation à vue

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Un contexte intoxiquant et anxiogène

Antoine est anxieux et en colère. Anxieux parce que le contexte ne se prête pas à des palabres incessantes avec ses co-dirigeants sur les décisions à prendre : il faut aller vite pour sauver l’activité, les emplois et l’outil de production.

En colère parce que Xavier, son directeur des ressources humaines et plus proche co-directeur, multiplie les atermoiements et les reculades au lieu de favoriser une remise en route éclair des équipes.

Et c’est sans compter sur Natacha, directrice marketing, qui a ses propres plans stratégiques en tête, Grégory, directeur logistique, qui ne veut même pas envisager une reprise normale des livraisons, et Philippe, directeur financier, qui n’a que les mots réduction des coûts et des salaires à la bouche.

La maxime populaire a beau dire que “tout seul on va plus vite, mais ensemble on va plus loin”, Antoine reste convaincu que tout seul on va plus vite !

Bref, tout va lentement, beaucoup trop lentement. Alors qu’il navigue déjà à vue en termes de business, voilà qu’il doit aussi naviguer à vue en termes d’équipe et de management.

Naviguer à vue, au-delà de la métaphore

Naviguer à vue, l’expression est intéressante. Loin d’être une simple image, elle est une technique reconnue de navigation maritime, fluviale ou aérienne.

Elle consiste à avancer progressivement en estimant sa position non pas sur une carte, mais sur un territoire bien réel, à l’aide de repères extérieurs identifiables du paysage. Il peut s’agir de bâtiments (phares, immeubles,…) de caractéristiques géologiques (montagnes, falaises, etc) ou bien même de routes, voies ferrées, etc.

Hors zone de danger, c’est une méthode pratique et rapide, qui nécessite cependant d’avoir une très bonne visibilité.

En zone de danger, le parcours imposé est mémorisé comme une suite d’alignements entre repères, ce qui permet au pilote de corriger le cap instantanément quand deux repères ne sont plus alignés.

Cette technique nécessite donc la réunion de deux conditions : une visibilité qui porte au moins jusqu’au repère d’après, et une réactivité des pilotes, et de l’ensemble de l’équipage, pour conserver l’alignement au moins jusqu’à la sortie de la zone de danger.

Et plus la visibilité est réduite, plus les repères doivent être proches les uns des autres.

La tentation du pilote-dictateur

L’absence d’un seul de ces facteurs, génère incertitude, confusion, doute, et finalement peur individuelle et collective.

Incertitude et peur : deux très beaux toxiques relationnels qui ont toutes les chances de contaminer l’entreprise dans son ensemble. Avec pour conséquence de créer l’inverse de ce qui est souhaité : perte de confiance dans la direction, repli sur soir, désengagement, et donc éloignement de la moindre perspective d’un retour à un niveau d’activité suffisant pour garder tout le monde à bord.

Pour Antoine, la solution pourrait paraître simple : en situation de crise, tout le monde se tait et obéit au chef.

Cependant, le pouvoir absolu épuise absolument. Seul maître à bord, responsable de tout, au four et au moulin, à gérer son anxiété et celle de tous les membres de son organisation, il est à parier qu’un tel pilote se retrouve rapidement dans le brouillard et mène son navire sur les écueils. Non, ce n’est pas en jouant au dictateur qu’il tiendra lui-même dans la durée. Cela ne fera pas non plus disparaître les contraintes indépassables du contexte économique et humain. Et ce n’est pas en intoxiquant un peu plus le système relationnel avec des velléités de pouvoir absolu que celui-ci va pouvoir se reconstruire sur le long terme.

 

Alignement interne et externe

En adoptant les principes de la navigation à vue, et plus précisément, une navigation d’alignement, Antoine peut dans un premier temps définir avec son CODIR et ses équipes les repères à très court, court et moyen terme, sur lesquels s’aligner pour chaque axe stratégique (confirmation des projets en cours, les uns après les autres; paliers de progression de prévisionnel financier; remise en route progressive des canaux de distribution; etc).

En veillant à ce que ces points de repères soient suffisamment proches les uns des autres pour en avoir toujours un dans le champs de vision.

Afin de garder l’alignement de l’ensemble du système sur ces repères, le mode de gouvernance peut également évoluer avec la mise en place de points de positionnement réguliers au sein du CODIR. Ceux-ci permettront de confirmer, ou non, le passage de chaque étape par le collectif.

Une condition indispensable : être très clair sur l’objectif à atteindre (dans quel port veut-on mener le navire ?). Serait-ce un retour à la normale ? ou plutôt profiter de la crise pour développer de nouvelles opportunités ? Ouvrir le champ des possibles ?

 

Tenir la barre

  • Il a suffit d’une demi-journée à Antoine et son équipe pour déterminer ce que seront les critères de progression des prochaines semaines et des prochains mois, marquant chaque étape de progression vers les objectifs définis.
  • Surtout, les membres du CODIR se sont mis d’accord pour se parler une fois par jour pour repérer le plus rapidement possible tout désalignement humain ou opérationnel et pouvoir agir vite.
  • Enfin, Antoine est sorti de l’opérationnel pour endosser le rôle de régulateur relationnel à travers toute l’organisation afin de contrer la peur et l’incertitude et de mettre l’accent sur : le désir collectif de faire face à la situation, l’humilité de faire avec ce qui se présente, l’agilité sur le cadre et la sincérité sur la situation et la progression de l’entreprise.

Elaborer un projet commun, définir les étapes à franchir les unes après les autres dans le très court et court terme, proposer à la puissance collective de s’aligner sur ces étapes successives, puis partager la progression du système, c’est ce qui s’appelle naviguer à vue.

C’est aussi travailler dans l’ici et maintenant en gardant les yeux sur la prochaine étape, s’ajuster à la dynamique de la situation en continu, prendre en compte l’influence de l’environnement et du contexte dans ses décisions, clarifier et partager le processus de fonctionnement (les rôles, les responsabilités, les zones de délégation et de décision), et laisser la complexité s’épanouir pour mieux la réguler.

Ah tiens ?! finalement, c’est appliquer les principes du vivant et de la relation au management. 

Cela vaut bien un plan stratégique, non ?

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