Sylvia ne connaît ni François, ni Antoine, pour l’instant. Mais elle en partage les priorités absolues du moment : garder tout le monde à bord de son agence de communication, complètement mise sens dessus-dessous par la crise sanitaire qui la frappe de plein fouet.
Comme tous les dirigeants d’entreprise, elle a d’abord géré l’urgence : organisation du travail, gestion structurelle des collaborateurs de l’agence, qui en chômage partiel, qui en télétravail, mise en place des dispositifs de report des charges et des loyers, sauvegarde des salaires, réduction absolue de la voilure financière et projection des effets de la crise sur les prochaines semaines, tant en termes structurels qu’opérationnels.
En même temps au four et au moulin, elle a appelé tous les clients de l’agence pour les assurer de son soutien pendant cette période. Peu ont pu prendre ses appels, noyés comme elle sous les impératifs arbitraires de l’instantanéité permanente.
La vague VUCA – un environnement devenu « Volatile, Uncertain, Chaotic, Ambiguous » – avait frappé le monde entier trois semaines auparavant, emportant tout sur son passage. Les partenariats patiemment bâtis au cours de nombreuses années, les projets complexes aux multiples intervenants qui commençaient à voir le jour, les projections sur l’année en cours et les investissements prévus pour plus tard, tout était réduit à peau de chagrin. Comme si les efforts infinis, les nuits blanches, les week-end et les congés sacrifiés, les relations personnelles mises sur la touche… n’avaient en fait jamais comptés.
Le semblant de sécurité bâti année après année réduite à néant.
Ç’avait été le premier effet de la vague, la perte de repère, la confusion, la sidération. Seule face à la montagne de choses à faire, à mettre en oeuvre, de décisions à prendre, ou à ne pas prendre, en ne sachant pas ce qui était juste et ce qui ne l’était pas, en n’ayant aucune certitude, en naviguant à l’aveuglette.
Le deuxième effet, quasi-immédiat, fut l’isolement. Chacun chez soi, pour Sylvia, cela signifiait s’enfermer dans un appartement vide qu’elle connaissait plutôt mal. Entre l’agence, les rendez-vous professionnels, les soirées entre amis, les week-end chez ses parents, dans leur grande maison du Sud, et les vacances à l’étranger, elle ne vivait pratiquement jamais chez elle. Petit et minimaliste, l’appartement sans confort était purement fonctionnel. Cela devrait pourtant être son environnement pour les semaines, voire les mois, à venir.
Tout ceci alimenté au quotidien par un immense sentiment d’insécurité, probablement largement partagé par tous ceux qu’elle connaissaient. Plus rien ne tenait debout. Ces derniers jours, des scènes entières d’un livre lu dans son adolescence, « Ravage » de René Barjavel, lui revenaient en mémoire.
L’action permanente dans laquelle elle s’est plongée lui permet pour l’heure de garder ses peurs et ses doutes à distance. Elle doit tenir bon, pour elle, pour ses collaborateurs qui comptent sur elle, et pour ses clients qui ont besoin d’elle. Car elle n’est pas la seule à avoir peur et à douter. Sa mission, à présent, est de garder tout le monde à bord. Non seulement dans le court terme pour sauver ce qui peut l’être, mais également dans le long terme, pour reconstruire lorsque le temps sera venu de prévoir l’avenir.
Garder tout le monde à bord, cela veut dire sauvegarder en premier lieu l’intégrité du tissu relationnel de l’agence et les liens avec les clients et les partenaires externes. En bonne professionnelle de la communication, Sylvia sait bien que le lien, la relation, est le substrat sur lequel peut s’élever et croître toute entreprise.
Elle a donc fait le choix :
Géraldine ayant tout pouvoir pour maintenir le niveau d’engagement et d’implication de chaque membre de l’agence tout au long de la crise, elle décide de mettre en place un véritable filet relationnel digital :
Garantir ainsi l’intégrité du tissu relationnel interne de l’agence répond à deux objectifs pour Sylvia :
Partant du principe que les situations de crise ne font qu’exacerber des défauts structurels et relationnels préexistant en période normale, Sylvia compte sur cette phase de la vie de l’agence pour détecter ce qui devra être revisité ou bien transformé à l’issue de la crise pour raccommoder les trous dans la raquette, tant en termes structurels que relationnels.
Elle se promet d’en parler à Nathan lors de leur prochain rendez-vous… virtuel.
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